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Sexting et sextorsion : que faire en cas de menace en ligne ?

Internet et les réseaux sociaux changent la façon dont on discute, rencontrent des gens et construisent des relations. Beaucoup d’adultes partagent volontairement des nudes ou des sextos, et certains jeunes le font aussi. Mais attention : une fois en ligne, ces contenus peuvent être détournés ou utilisés contre toi

Parmi les formes les plus graves de cyberviolence, la sextorsion se distingue par son impact. Elle consiste à faire chanter une personne en menaçant de publier ses photos ou vidéos intimes. Les victimes subissent souvent de lourdes conséquences psychologiques et sociales. Selon une étude de Thorn, 1 jeune sur 5 entre 13 et 17 ans en a déjà été victime. En France, le phénomène progresse rapidement : plus de 12 000 cas ont été signalés en 2023, souvent pour obtenir de l’argent.

Pour se protéger, il est essentiel de connaître les bons réflexes. L’association Point de Contact vous informe sur les dangers de la sextorsion, explique comment se prémunir et indique les démarches à suivre ainsi que les dispositifs d’aide et de signalement disponibles.

Sextorsion : de quoi parle-t-on exactement ?

La sextorsion, terme issu de la contraction des mots « sex » et « extorsion », désigne un chantage exercé à partir d’images ou de vidéos à caractère sexuel, obtenues par ruse ou sous contrainte psychologique. L’auteur de ces agissements contraint la victime à transmettre des images intimes, puis la menace de leur divulgation publique en cas de non-satisfaction de ses exigences. Ces dernières peuvent revêtir diverses formes, telles que des demandes d’argent, la production de nouveaux contenus ou d’autres avantages. Il importe de souligner que la sextorsion constitue une infraction pénale particulièrement grave, souvent liée à la diffusion non consentie d’images intimes, engageant pleinement la responsabilité pénale de son auteur.

Comment les victimes de sextorsion sont-elles piégées ?

La sextorsion fonctionne souvent de manière subtile et progressive. L’auteur commence généralement par établir un lien de confiance avec la victime, souvent via les réseaux sociaux, les applications de messagerie ou les jeux en ligne. Il peut se faire passer pour un pair, un admirateur, ou même un partenaire potentiel, et chercher à obtenir des informations personnelles, des images ou des vidéos à caractère sexuel.

Une fois qu’il a obtenu ces contenus, il commence le chantage : il menace de les divulguer publiquement, de les envoyer à la famille, aux amis ou à l’entourage de la victime si elle ne satisfait pas ses demandes. Ces exigences peuvent inclure de l’argent, de nouvelles images ou vidéos, ou d’autres formes de gratification. La peur, la honte et le sentiment d’isolement rendent les victimes particulièrement vulnérables et peuvent les empêcher de parler de la situation ou de chercher de l’aide.

Parmi les techniques employées par les agresseurs figure notamment la pression exercée sur la victime, avec des injonctions telles que « si tu ne m’envoies pas cela dans l’heure… ». Ces manipulations provoquent une profonde détresse psychologique, susceptible de compromettre la capacité de discernement rationnel de la personne ciblée.

    • Le cas Manon le piège du sexting
      Dans cette histoire, une adolescente échange avec un inconnu rencontré en ligne. Flattée par son attention, elle finit par lui envoyer une photo intime. Peu après, le chantage commence.  Lire la BD “Sexting”
    • L’histoire Jules une manipulation à des fins d’extorsion
      Jules est une jeune adulte approchée en ligne par un inconnu. Séduite par des échanges amicaux puis affectifs, elle finit par envoyer des contenus intimes. L’individu la menace alors de les rendre publics si elle ne verse pas d’argent. Lire la BD “Sextorsion

Quels moyens pour prévenir les risques de sextorsion ?

  • Rester vigilant dans les échanges en ligne : Sur Internet, il est fréquent d’entrer en contact avec des personnes que l’on ne connaît pas. Il est donc fortement recommandé de faire preuve de prudence, notamment lorsque quelqu’un vous pousse à quitter une plateforme sécurisée pour discuter sur une autre application. Ce type de manœuvre peut servir à contourner les protections mises en place.
  • Renforcer la sécurité de ses comptes : Utiliser des mots de passe forts et différents pour chaque service, activer l’authentification à deux facteurs, et limiter l’accès à ses informations personnelles sur les réseaux sociaux sont autant de gestes simples mais cruciaux. Ils permettent de mieux se protéger contre les tentatives de piratage ou d’usurpation.
  • Réfléchir avant de partager des contenus sensibles : Même dans une relation de confiance, il faut garder à l’esprit que tout contenu intime partagé en ligne peut être détourné ou réutilisé à des fins malveillantes. Dans le cas où vous échangerez des images intimes il est fortement conseillé de ne jamais montrer son visage ou des éléments qui permettraient de vous identifier. Cette précaution peut réduire les risques de sextorsion ou de diffusion non consentie.

Victime de sextorsion : les actions à entreprendre sans attendre

Face à une tentative de sextorsion, il est primordial d’interrompre immédiatement toute communication avec l’auteur des menaces, indépendamment de la nature ou de l’intensité de ses propos. Il convient de bloquer cet individu sur l’ensemble des canaux de communication (messageries, réseaux sociaux, applications)  et de s’abstenir de toute réponse, afin de ne pas renforcer son emprise.

Ne transmettez jamais de nouveaux contenus intimes et ne cédez à aucune demande de paiement : ni l’un, ni l’autre, ne mettront fin au chantage. Au contraire, ces actes renforcent l’ascendant psychologique de l’agresseur et augmentent les risques de récidive. Prenez des mesures de protection immédiates en révisant les paramètres de confidentialité de vos comptes pour limiter l’accès à vos informations personnelles et protéger votre entourage. 

Conservez l’ensemble des preuves de la tentative d’extorsion (captures d’écran, échanges, profils utilisés), ces éléments seront déterminants pour engager des démarches judiciaires. Vous pouvez porter plainte auprès d’un commissariat, d’une brigade de gendarmerie, adresser un courrier au procureur de la République ou déposer une plainte via la plateforme en ligne THESEE.

Sextorsion et cadre juridique : quels sont vos droits ?

En tant qu’infraction complexe, la sextorsion peut donner lieu à plusieurs qualifications pénales en fonction des circonstances et des faits reprochés. Parmis les principales infractions susceptibles d’être retenues, figurent notamment : 

  • Le chantage : En droit, le chantage est défini aux articles 312-10 à 312-12 du Code pénal comme le fait d’obtenir, ou de tenter d’obtenir, quelque chose d’une personne – de l’argent, un document, un service, un comportement – en la menaçant de révéler ou d’attribuer des faits qui pourraient porter atteinte à son honneur ou à sa réputation. Dans le contexte de la sextorsion, la menace la plus fréquente consiste à annoncer la diffusion non consensuelle de contenus intimes si la victime ne cède pas aux exigences de l’auteur (paiement d’une somme, envoi de nouvelles images, réalisation d’actions humiliantes, etc.). Le chantage est une infraction grave, punie de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende. La tentative est également répréhensible, ce qui signifie que même si la menace n’est pas suivie d’effet, l’auteur peut être poursuivi et condamné. Les sanctions peuvent être encore plus lourdes si le chantage est commis en bande organisée, avec des moyens techniques sophistiqués ou contre une personne particulièrement vulnérable, comme un mineur. Dans la sextorsion, le chantage est souvent l’infraction « pivot » : même sans diffusion effective des contenus, le simple fait de menacer pour obtenir quelque chose suffit pour que la loi s’applique pleinement et permette à la victime de porter plainte.

  • La diffusion non-consensuelle de contenus intimes : C’est-à-dire le partage, l’envoi ou la mise en ligne d’images ou de vidéos à caractère sexuel ou intime sans l’accord de la personne concernée. L’infraction est réprimée à l’article 226-2-1 du Code pénal. Cette interdiction s’applique même si la personne avait accepté que ces images soient prises ou les avait transmises volontairement : ce qui compte, c’est l’absence d’autorisation pour les diffuser. La loi protège toutes les formes de diffusion, qu’il s’agisse d’une publication sur un réseau social, d’un envoi par message privé ou d’un partage dans un cercle restreint. Les sanctions peuvent aller jusqu’à deux ans de prison et 60 000 € d’amende. Si la victime est mineure, les contenus sont considérés comme pédocriminels et sont réprimés par l’article 227-23 du Code pénal, avec des peines pouvant aller jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende. Dans le cadre de la sextorsion, cette menace de diffusion illégale est souvent l’outil de pression principal ; si elle se concrétise, l’auteur peut être poursuivi à la fois pour chantage et pour diffusion non consensuelle de contenus intimes, ce qui renforce la gravité des faits et les sanctions encourues.

Disrupt : l’outil pour stopper la diffusion d’images intimes

Si une image ou une vidéo à caractère sexuel vous concernant a été diffusée en ligne ou menace de l’être, Disrupt peut vous aider. Développé et porté par l’association Point de Contact, ce dispositif d’interruption de diffusion de contenus intimes a pour mission d’arrêter ou d’empêcher la propagation de contenus sexuels diffusés sans consentement. Gratuit, confidentiel et réactif, Disrupt offre aux victimes de sextorsion un canal rapide pour signaler leur situation. L’équipe intervient directement auprès des plateformes pour faire retirer les contenus et en limiter l’impact, avant qu’ils ne soient massivement relayés.

Vous pouvez également compléter cette démarche en utilisant les formulaires de signalement proposés par les principales plateformes (Facebook, Instagram, TikTok, X, YouTube).

Comment fonctionne Disrupt ?

Disrupt suit un protocole clair en plusieurs étapes, garantissant à la fois la rapidité d’action et la protection des victimes.

Soumettre un signalement

Tout commence par le remplissage d’un formulaire dédié sur le site de Point de Contact (https://www.pointdecontact.net/disrupt/). La victime y précise son âge, fournit les liens des contenus déjà publiés ou, s’ils ne le sont pas encore, transmet les images ou vidéos concernées. Un bref résumé de la situation ainsi qu’un moyen de contact permettent à l’équipe de répondre individuellement et d’assurer un suivi personnalisé.

Créer des empreintes numériques

Les contenus reçus ne sont ni conservés ni stockés. Ils sont immédiatement convertis en empreintes numériques (hashs) — des signatures uniques et anonymes — qui permettent aux grandes plateformes de détecter automatiquement toute remise en ligne ultérieure. Ce procédé garantit la confidentialité tout en renforçant l’efficacité du dispositif.

Alerter les plateformes

Si les contenus sont déjà en ligne, l’équipe identifie l’hébergeur ou la plateforme concernée et leur envoie une notification officielle, assortie d’un rappel de leur obligation légale de retrait immédiat. Le non-respect de cette obligation peut entraîner des poursuites judiciaires.

Informer et orienter les victimes

Une fois le signalement traité, et si la victime a laissé ses coordonnées, elle reçoit une réponse personnalisée. Celle-ci inclut un récapitulatif des actions menées par l’équipe, des informations claires sur ses droits et sur les démarches possibles, telles que le dépôt de plainte ou l’accès à un accompagnement psychologique ou juridique. Elle comporte également des contacts utiles, comme des associations spécialisées ou des numéros d’écoute en cas de détresse.

À PROPOS

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Point de Contact est une association de lutte contre les cyberviolences et de protection des droits
des citoyens sur internet. Elle permet par exemple aux victimes et aux témoins de lui signaler des
contenus ou des comportements malveillants et collabore étroitement avec les autorités et les
plateformes numériques pour en obtenir le retrait. L’association mène également des actions de
formation, de sensibilisation et de plaidoyer à l’attention des jeunes, des professionnels, des
entreprises et des pouvoirs publics.
Reconnue pour ses compétences dans la lutte contre la pédocriminalité, les discours illégaux et les
violences sexuelles en ligne, Point de Contact s’engage en faveur d’espaces numériques plus sûrs,
plus inclusifs et plus respectueux des droits fondamentaux.

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